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Photo du rédacteurSecrétaire AVF

A la santé de Jo - 5

Paulette

Voilà que le pépé est parti. Moi je suis Paulette. J'ai soixante-quatre ans. Mariée en dix-neuf cent quarante-huit, ça fait déjà plus de quarante ans que j'habite la ferme. C'est un peu moi la patronne depuis que les parents ont pris de l'âge.


François, mon mari, a d'abord secondé son père et peu à peu c'est lui qui a pris l'ascendant et gère la ferme pour le mieux. On a eu deux fils. L'aîné, Charles, est resté avec nous. Il a maintenant quarante et un ans et donne un bon coup de main (bien qu'il ne soit pas très costaud) pour les travaux des champs. Le plus jeune, Bertrand, a fait des études et mène sa vie. On ne le voit plus guère.


Donc, je ne chôme pas et c'est un sacré boulot, mais je suis solide et pour le moment je tiens le coup. Malheureusement, il y a un gros problème avec François. Il s'est mis à boire et quand il a bu il n'est plus bon à rien. Heureusement que notre Charles est courageux et vient à la rescousse.


Aujourd'hui, c'est l'enterrement. Le pauvre vieux avait l'air bien apaisé sur son lit de mort. Moi je l'aimais bien et je crois qu'il avait de l'estime pour moi. Il était tellement content quand on s'est marié. Il faut dire que mon homme n'était pas un Apollon et laid comme il était, trouver une femme n'était pas évident. Je n'étais pas un canon de beauté non plus et la ferme m'intéressait. Mes parents étaient ouvriers agricoles dans le Loir et Cher et le travail de la ferme ça me connaît. Donc, on a fini par s'accorder. Le père nous a fait une noce à tout casser et on a bien rigolé ce jour-là. C'était une période où on aimait faire la fête. La guerre était finie depuis quatre ans déjà, mais elle restait dans toutes les mémoires et on avait besoin de s'éclater. Jo et son fils aîné avaient été dans la Résistance : ils n'en parlent pas souvent, mais je sais que ça les a profondément marqués....


Au début, je craignais un peu le vieux, mais quand il a vu que je ne rechignais pas à l'ouvrage il m'a vraiment adoptée. Sur ses quatre enfants, il n'y avait plus que François. Les deux filles avaient déserté et menaient leur vie en ville sans plus donner de nouvelles. Le marin, Marcel, faisait une apparition de temps en temps ; la ferme était le dernier de ses soucis.


Le père était un silencieux, mais il savait bien se faire comprendre. Quand nos petits sont arrivés, on a bien senti qu'il était content. La relève était assurée. Maintenant, il peut se reposer tranquille. S'il voyait tous les siens réunis autour de son cercueil, il n'en croirait pas ses yeux. Ses filles, il ne les avait jamais revues et il ne connaissait pas les petits enfants qu'elles avaient eus hors mariage.


Et pourtant, elles sont là! C'est bien temps de se rappeler qu'elles ont une famille!

Quant à la grand-mère, elle est bien faible, mais elle veut absolument assister à l'enterrement. Pourtant il lui en a fait voir des vertes et des pas mûres le Joseph ! Il s'était fait une mauvaise réputation. Il parait que comme Eugénie le délaissait il a commencé à chercher du plaisir ailleurs ; la bonne fut la première à réveiller ses instincts. Par la suite, il ne se gênait plus pour courtiser les femmes du village ! Malgré tout aujourd'hui pour son dernier voyage, il y avait beaucoup de monde. Toute la famille au grand complet et même la pauvre Yvonne, la petite bonne, est venue. Elle est bien vieille maintenant...


Tous ces salamalecs me semblent bien hypocrites. C'est tout juste si ça ne pleurerait pas! La cérémonie m'a semblé bien trop longue. Il faut dire que les curés, c'est pas ma tasse de thé! Et les retrouvailles de toute cette famille après l'enterrement ne me concernent guère. Je ne connais pas grand monde. Enfin, il faut faire avec. Je me demande ce que la ferme va devenir! Normalement c'est François qui hérite des bâtiments, mais les autres vont réclamer leur dû, c'est sûr! Pour nous ça va poser de gros problèmes.... On doit régler tout ça la semaine prochaine chez le notaire! Je crois que le Père a laissé un testament...On verra bien....


Tiens! Voilà Bertrand notre jeunot. Il se fait discret. Il n'a pas assisté à la cérémonie, il vient maintenant vers moi. C'était le préféré du Pépé. C'est lui qui l'a encouragé à poursuivre ses études, contre l'avis de François. Je le vois si rarement mon Bertrand, je voudrais bien parler un moment avec lui.


Allons Bertrand, viens me faire la bise.

Hélène

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