Huitième texte de l'exercice proposé par Betty, incipit envoyé par Henri Dor :
« Vous z’êtes pas d’ici, vous, qu’est-ce que vous voulez ? »
La dame tenant son balais à deux mains, n’était pas très engageante…
« Bonjour, je suis employée du recensement, j’ai quelques petites questions à vous poser »
Qu’est-ce qu’elle me veut ? J’ai rien à vendre et pas de quoi acheter de toutes façons !
« Vous vous méprenez madame, j’ai simplement quelques renseignements à vous demander. »
« Entrez, je vais nous faire du thé, et vous prendrez bien quelques biscuits. »
Elle enleva le fichu qu’elle avait sur la tête et prépara le thé dans un samovar.
Après les premières questions de routine, la vieille dame démarra un récit sur toute sa vie, son enfance, son mari décédé l’hiver dernier, son fils en Afghanistan, sa fille à Vladivostok, mariée à un capitaine de frégate et les petits enfants…
Elle semblait intarissable, aussitôt que je lui posais une question, elle partait dans ses souvenirs heureux ou malheureux. Mais quand il s’agissait de détails techniques, elle était encore plus prompte à répondre. Elle me racontait qu’à l’usine de chaussures c’est elle qui faisait la comptabilité et qu’elle est la mémoire vivante d’un passé glorieux.
La glasnost, hélas, lui avait fait perdre un reste de travail dont elle s’acquittait très naturellement : le renseignement tout de sorte de renseignements...
Enfin nous arrivons au terme de l’entretien et comme je lui disais que j’avais d’autres personnes du village à interroger, elle me dit d’un air entendu « Vous pourriez rester là, je connais tout sur tout le monde ! Ca vous ferait économiser des pas et de la fatigue. »
D’un air de conspiratrice, je lui répondis que c’était aussi pour les zakouskis et gâteaux que j’allais chez les autres, mais les vôtres sont les meilleurs !... »
Je ramassais mon sac et mes dossiers. Sortie à la nuit tombante, il faisait une petite pluie froide et on y voyait plus bien, je regrettais d’avoir décliné son offre...
Henri
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