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Exercices de style, par l'atelier d'écriture

Dixième texte de l'exercice proposé par Betty, envoyé par Armelle Marbach (incipit):


13 avril 1847,


On dit que c'est le printemps à Pétersbourg, est-ce vrai ? C'est possible.


On dit aussi que cette ville ne voit le soleil que dix après midi par an. Son apparition en tout cas n'aura pas lieu aujourd'hui. Du palais elle regarde la glace des canaux encore lourde comme de l'airain. Les arbres dérident doucement quelques bourgeons mais c'est surtout la boue qui éclabousse les trottoirs au passage des sabots des chevaux. Malgré les poêles de porcelaine elle arrive a dessiner de sa bouche une empreinte sur les vitres. Mais elle diminue aussi, elle regrette déjà l’hiver.


Cet hiver russe si long et si froid qui pousse autant à la langueur qu' à la fête.

Les palais d’hiver sont les palais des fêtes et elle aime les journées de préparatifs ou l'excitation est à son comble du sous sol aux étages. Mais elle n'aime rien tant que les longues journées de lecture à l'abri de la neige, à la lueur de bougies et parfois du nouvel éclairage installé dans la bibliothèque par son père.

C'est aussi dans ces journées éternellement sombres qu'elle se jette avec un plaisir insolent dans sa folie cachée, l'écriture. Car enfin, au prétexte de siestes indolentes elle se jette avec passion sur ses feuilles et ses encriers écrasant sa plume avec allégresse pour s'évader dans la vie des personnages qu'elle s'invente. Elle écorne, gracie, violente, aime, fait et défait des passions.


Un pouvoir imaginatif que l’on ne cesse de lui reprocher. Elle rêvasse toute la journée d'après sa mère. Non elle créée cela n'a rien à voir. Un jour elle sera comme lui, ce Dostoïevski, appuyé contre la cheminée du salon pour lire ses pages écrites dans les nuits de son petit appartement et sa seule présence éclairera les visages de ses auditeurs. Elle ferme les yeux de plaisir, mais les bruits et les pas dans les couloirs et les escaliers la sortent de sa torpeur.


Même s'il est encore tôt, on ne quitte jamais la ville avant mai, la transhumance vers la résidence de campagne se prépare et va la séparer de tout ce qu'elle aime. Il va falloir affronter des journées interminables ou le soleil ne se couche jamais, se promener, jouer aux cartes, monter à cheval, jouer au croquet, déjeuner, diner, souper, prendre le thé et écouter des histoires de famille, de fiançailles, de mariages, un tumulte incessant et les piaillements sans fin de ses cousines moscovites. Comment fait elle pour ne pas mourir d'ennui à Pétersbourg ? Et elle, est elle amoureuse ? Désormais tous les officiers sont au Palais durant la saison des bals. A ce niveau là Moscou perd de son intérêt. Elle a quinze ans déjà. Il faut faire attention et même si elle est un parti rêvé, le temps passe vite.


Oh non, l'enfer ! Rien que de penser à tout cela l'épuise, elle reste en boule dans sa chambre et entend tousser dans le couloir.


C'est vrai que l'on parle d'une grippe violente qui aurait dores et déjà contaminer la moitié de la ville. C'est pour cela que l'on part aussi tôt. L'attraper pour être tranquille serait peut être la solution. On ne pourrait pas l'emmener à la campagne trop loin des médecins efficaces, son père serait trop inquiet et puis elle serait contagieuses et ses cousines pourraient en pâtir.


Elle entend parler derrière sa porte et l’entrouvre délicatement. Deux jeunes lingères sont en pleine discussion.


«C'est la jeune Olga, elle a contaminé toutes les cuisinières, désormais plus personne de disponible. Le comte est allé demander de l'aide auprès de son cousin au palais Tcheremetiev pour que l'on vienne les dépanner et il va faire nettoyer toute la cuisine afin d'éliminer les contaminations. Surtout il ne faut pas essayer d'y aller, il n'y a plus personne là bas et il ne faut toucher à rien. »

Un espoir ! Elle enfile son peignoir et se glisse dans ses chaussons. Dans quelques minutes elle aura léché toutes les cuillers.

Titre du livre : "Un printemps à Pétersbourg. Dostoïevski"


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